Une sélection de films qui ouvrent une conversation sur le féminisme, l'historiographie et les temporalités non linéaires du souvenir.
« Le modèle est fixe. Il suffit de couper la ligne pour que la chronologie tombe en lambeaux. Je préfère un tas froissé, l'histoire à mes pieds, que tendue au-dessus de ma tête. » - Lis Rhodes
Dans le prolongement de l'exposition No Master Territories (2022-2023) co-curatée avec Hila Peleg, Erika Balsom présente un programme de films autour du féminisme, de l'historiographie et des temporalités non-linéaires de la mémoire.
Paper Tiger Television, SisterhoodTM: Hyping the Female Market (1993), video, 24 min., USA
En 1993, Paper Tiger Television, un collectif vidéo fondé en 1981, remettait déjà en cause un certain type de féminisme qui n'a cessé de gagner en importance : un féminisme néolibéral centré sur l'émancipation individuelle et la consommation. SisterhoodTM montre comment la vague de féminisme du genre lean in promet la libération d'un petite élite, tout en reposant sur l'exploitation de la majorité, en particulier des femmes pauvres et souvent racisées qui travaillent de manière disproportionnée dans les domaines du soin, du nettoyage et de la production de biens de consommation de masse. Cette vidéo s'approprie les genres télévisuels et analyse les publicités Nike avec humour pour montrer comment un mouvement engagé dans la libération collective a été désamorcé.
Sara Gómez, Mi aporte / My contribution (1972), 35 mm, 33 min., Cuba
Sara Gómez commence à travailler à l'Instituto Cubano del Arte e Industria Cinematográficos (ICAIC) en 1961, deux ans après sa création. Elle y réalise vingt films avant son décès en 1974 à l'âge de trente et un ans. Mi aporte (littéralement "ma contribution") débute en 1969, commandé par la Federación de Mujeres Cubanas, l'organisation chargée de promouvoir les droits des femmes après la révolution. Mais une fois abouti, le film subit une censure soudaine. Prenant en compte les expériences des femmes afro-cubaines, Gómez analyse comment le genre, la race et la classe sociale se conjuguent dans la société post-révolutionnaire. Par le biais d'entretiens et de discussions (dont un débat après la projection d'une version partielle de Mi aporte), elle révèle la tension entre les promesses de la révolution cubaine et la réalité quotidienne des femmes qui la vivent.
Han Ok-hee, Untitled 77-A (1977), 16 mm, 6 min, Corée du Sud
Han Ok-hee est l'un des membres fondateurs du Kaidu Club, un groupe de cinéma expérimental créé en 1974 par d'anciens étudiants de l'Ewha Womans University de Séoul, où elle a étudié la littérature. Ce groupe, le premier du genre en Corée du Sud, réalisait des courts métrages indépendants et organisait des festivals et des symposiums, se positionnant en franche opposition au commercialisme et à l'orientation patriarcale du cinéma mainstream. Untitled 77-A est un exemple de cette position, rejetant les normes industrielles et de représentation existantes pour offrir une représentation expérimentale d'une femme revendiquant le rôle de cinéaste. Les ciseaux constituent un motif important, fonctionnant à la fois comme un signifiant métonymique du processus de réalisation du film et comme un instrument de violence très chargé, emblématique d'un refus féministe du statu quo.
Erika Balsom est lectrice en études cinématographiques au King's College de Londres. Elle est l'auteure de quatre ouvrages, dont After Uniqueness : A History of Film and Video Art in Circulation (Columbia University Press, 2017) et TEN SKIES (Fireflies Press, 2021, sélectionné pour le prix Kraszna Krausz). Ses critiques paraissent régulièrement dans des publications telles que Artforum, Cinema Scope, e-flux et 4Columns. Avec Hila Peleg, elle est co-commissaire de l'exposition No Master Territories : Feminist Worldmaking and the Moving Image (HKW Berlin, 2022) et coéditrice des livres Feminist Worldmaking and the Moving Image (2022) et Documentary Across Disciplines (2016), tous deux publiés par MIT Press. En 2018, elle a reçu le prix Philip Leverhulme et le prix d'essai Katherine Singer Kovacs de la Society for Cinema and Media Studies.
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une invitation en collaboration avec Monokino, Ostende